Marie José Chombart de Lauwe

Toute une vie de résistante

Fille d’un médecin pédiatre et d’une sage-femme, Marie-Jo, née Wilborts le 13 mai 1923 à Paris, est une femme résistante politique et militante infatigable des droits de l’Homme. Lorsque la guerre éclate en 1939, elle habite l’île de Bréhat (depuis 1936) et poursuit ses études au Lycée de Tréguier. En 1941, elle est étudiante en médecine à Rennes ; c’est là qu’elle est arrêtée le 22 mai 1942 : elle a 19 ans.

livre de MJ

1942-1945 : « la découverte d’un autre monde »… Depuis 1940, Marie-Jo est engagée dans la résistance. Elle fait partie de « la bande à Sidonie » créée par sa mère, avant d’intégrer le réseau « Georges France 31 », un réseau d’évasion et de renseignement. Elle est finalement arrêtée (sur dénonciation) à Rennes en mai 1942. Conduite à la prison militaire d’Angers, elle est ensuite transportée à Paris : d’abord à La Santé puis à Fresnes pour y être jugée. Elle est alors désignée « NN » (Nacht und Nebel, nuit et brouillard). En Juillet-Août 1943, Marie-Jo est condamnée à la déportation et internée au camp de Ravensbrück (au Nord de Berlin). Sous le numéro 21706, elle va connaître et côtoyer la maladie, la faim, le froid, les coups, les punitions ; des conditions de vie inhumaines, la souffrance au quotidien pendant 3 ans, mais aussi l’entraide et la solidarité. Déportée politique, elle travaille d’abord pour Siemens (dans le réglage d’interrupteurs radio pour l’aviation) avant d’intégrer plus tard le Revier (infirmerie) ; là elle est affectée à la Kinderzimmer (le block des nourrissons). A son grand désarroi, elle est impuissante à sauver les bébés, condamnés à mourir de faim et de maladie (très peu survivront). Ces bébés morts restent encore aujourd’hui « le pire souvenir » que Marie-Jo garde de sa vie « monotone et épuisante » à Ravensbrück. En Mars 1945, devant l’avancée des Alliés, les Nazis font évacuer le camp que Marie-Jo quitte enfin. Mais c’est pour rejoindre, en train, un autre camp, situé en Autriche : Mauthausen. Nouveau camp, nouveau numéro : le 2807. Marie-Jo et les autres prisonniers sont finalement libérés le 21 Avril 1945. De retour en France, elle arrive le 1er Mai à l’hôtel Lutétia à Paris ; puis direction Saint-Brieuc, Paimpol et enfin Bréhat. Il faut alors « tout repenser, redécouvrir, réapprendre dans ce monde […] retrouver un sens à cette vie ».

Marie José

Depuis 1945 : « garder les yeux ouverts »… Revenue vivante des camps de concentration, Marie-Jo veut témoigner de l’horreur vécue, au nom des victimes. C’est ainsi qu’en 1950, à Rastadt, elle témoigne au procès du commandant de Ravensbrück Franz Suhren : elle dénonce entre autres les stérilisations des petites tziganes. Reprenant ses études et fondant une famille, elle entre en 1954 au CNRS pour y étudier les conditions sociales et familiales des enfants inadaptés. Elle habite alors Ivry depuis un an. Très impliquée dans la défense des droits des enfants, elle crééra en 1988 la commission des droits de l’enfant, apportant ainsi sa contribution à la rédaction de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant adoptée par les Nations Unies en 1989. Présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation depuis 1996, adhérente de l’Amicale de Ravensbrück, de la FNDIRP, de l’Association des Déportés et Internés de la Résistance ainsi que de la Ligue des Droits de l’Homme, Marie-Jo n’a de cesse de transmettre son message de tolérance.

Témoigner, encore et toujours… Marie-Jo intervient en effet régulièrement lors de conférences et colloques ; mais également dans les établissements scolaires, à la rencontre de la jeunesse, pour dénoncer les « anti-principes de 1789 » et maintenir vivante la mémoire de la déportation. Les drames passés nécessitent de rester vigilants. Il faut continuer de parler « pour que ne disparaisse pas le souvenir des morts et pour alerter » face aux tentatives récurrentes de la falsification de l’Histoire (par exemple à travers le révisionnisme ou le négationnisme) ; et face à l’antisémitisme, toujours prégnant en Europe et dans le monde. En refusant l’occupation et les persécutions pendant la guerre, en dénonçant le racisme et en s’engageant au service des autres (notamment des plus faibles ou démunis), Marie-Jo incarne ainsi à merveille les idéaux de 1789 traduits dans notre devise républicaine « liberté, égalité, fraternité ». Parce que cette femme de combat illustre l’esprit civique français, le sens de l’intérêt commun, il est donc naturel que la République française lui ait exprimé sa reconnaissance en l’élevant aux plus hautes dignités de l’ordre national du mérite : d’abord celle de Grand officier de la Légion d’honneur en 2008 ; puis celle de Grand-Croix de la Légion d’honneur en 2012. Et c’est tout aussi naturellement qu’en 2011, le nouveau collège public de Paimpol (né de la fusion de ceux de Lanvignec et Goas Plat) a pris le nom de Marie-Jo Chombart de Lauwe.

Marie Jose Chombart de Lauwe


Marie-Jo encore et toujours résistante

L’année 2015 correspond au 70e anniversaire de la libération de plusieurs camps nazis (dont ceux d’Auschwitz-Birkenau et Ravensbrück) ; mais aussi à l’entrée au Panthéon de 4 grandes figures de la résistance française : Germaine Tillon, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Jean Zay et Pierre Brossolette. L’occasion pour Marie-Jo Chombart de Lauwe, autre grande voix de la résistance, de revenir sur son parcours et son engagement contre les extrêmes et le racisme, toujours vivaces…

livre paru en Avril 2015